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  • J'veux baiser qu'avec toi, ça s'dit pas... Et un bébé comme toi ça s'prête pas... Ca s'prête pas... De vie en vie... C'est pas l'enfer, mais c'est pas l'paradis... La musique adoucit les moeurs. La poésie aussi. Ecrire ça défoule. Bienvenue ici.
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25 novembre 2005

Deuxième visite à H.

<<   Purgatoire   >>

Alexandra m’avait dit au téléphone :

    Il faut que tu ailles à H., j’ai une pote qui connaît un mec qui a bossé là-bas comme éducateur, il paraît que c’est su-per.

    Mais Alex, t’as vu la distance ? Avec en plus une seule bagnole, qui commence à pourrir tout doucement, et aller conduire les gosses à l’école, et…

    T’inquiète, au fait je t’ai pas dit. C’est un boulot d’interne.

    Quoi ?????

    Ouais, t’es logé, nourri, blanchi, aux frais de la princesse mon gars.

    Mais ça va pas ? Comment veux-tu que…

    Vas-y je te dis, va juste voir. Va voir avant de dire non.

Alex a un don. Elle a toujours le bon ton pour persuader son interlocuteur. C’est pas pour rien qu’elle fait de la politique. J’y étais déjà allé une fois, et je n’avais qu’une envie : y retourner une seconde fois pour voir cet endroit de l’intérieur. Même si cette idée d’aller travailler là-bas restait une grosse blague. Mon amie s’était débrouillée pour m’obtenir un rendez-vous avec la directrice, Madame Brousmiche.

La semaine qui suivait ma première visite à H., je donnais l’après-midi des cours de remédiation à des groupes d’élèves qui avaient une seconde session en septembre. J’étais complètement dans le cirage et je m’étonne que personne ne m’ait fait de réflexion.

Le mercredi, le jour de mon rendez-vous, je pars de chez moi vers huit heures pour me rendre à H. Vingt-cinq kilomètres de routes de campagnes sinueuses à travers tout un chapelet de villages et de hameaux, de plus en plus agricoles, quinze kilomètres de voie rapide (qui est surtout rapide lorsqu’elle n’est pas empruntée par un tracteur ou une moissonneuse-batteuse) et trente kilomètres d’autoroute digne de ce nom, enfin si on peut dire car elle a été tellement bien construite qu’on lui refait le revêtement pratiquement chaque année, morceau par morceau. Et pour finir, cinq petits kilomètres de nationale, peut-être, signalons-le tout de même, la plus belle lieue de route de tout le pays.  Trois quarts d’heure de trajet en voiture.

Le bâtiment central est une grosse bâtisse blanche à deux étages, qui rappelle une hôtellerie du XIXème siècle. Quelques annexes, de part et d’autre. Je me gare sur le parking, devant l’escalier imposant qui mène à une vaste terrasse, sur laquelle s’ouvre le porche d’entrée. Je pousse la porte. Un hall douillet, une petite réception sans prétention. De part et d’autre, des portes vitrées donnent sur ce qui semble être un bar et un salon. Un calme feutré règne dans cet endroit. Je reste seul et silencieux un moment. J’observe. Une voix criarde me tire de ma rêverie.

   Je peux vous aider ?

Une femme aux courts cheveux bouclés comme un mouton portant un tablier bleu me regarde de ses yeux étonnés.

    Oui, j’ai rendez-vous avec la directrice.

    La directrice ? Laquelle ? La directrice ou bien la secrétaire ?

Je la regarde, interloqué.

    La directrice, Madame…

Je n’ose pas dire  le nom. Il y a des noms que j’ai du mal à prononcer.

Une voix nous parvient de l’étage.

    Il y a quelqu’un ?

    Oui, attends… (elle se tourne vers moi). C’est Lucy que vous voulez ? C’est pour une réservation ?

Je n’y comprends rien. J’ai peur de m’être trompé d’endroit. Je me retiens de rire.

    Pas du tout, je viens me présenter pour un poste de surveillant…

    Ah, voilà. (elle se retourne, lève la tête et crie très fort) C’est pour Brousmiche, elle est dans son bureau ?

Je me mords les lèvres.  La voix  répond :

    Oui, fais-le monter.

    (s’adressant à moi) C’est la deuxième porte à gauche, dans le couloir au premier.

Le large escalier est recouvert d’un épais tapis bordeaux. Une rampe de bois très sobre le borde. La deuxième porte à droite du corridor est grande ouverte.

    Entrez, Monsieur Léliaert, le cabinet m’a prévenu de votre visite.

Je me trouve face à une petite femme ravissante, aux yeux pétillants. Elle est assise à son bureau et semble occupée à faire du rangement. Je prends place sur une chaise, face à elle.

    Je suis intéressé par le poste, mais avant de donner ma réponse, je voudrais m’assurer que les horaires…

    Je suis vaguement au courant de votre situation. Nous avons une équipe de quatre surveillants, deux hommes et deux femmes. Cette équipe fonctionne très bien depuis quelque temps déjà. Vos collègues vous expliqueront les arrangements. L’an dernier, nous avons eu un petit jeune homme qui venait de très loin par le train. Il regroupait son horaire en quelques nuits consécutives et il restait ici la journée. Nous avons des salles informatiques reliées à Internet et la région ne manque pas d’attraits.

    Je l’admets. C’est très tentant, mais le poste ne correspond pas vraiment à mes qualifications et…

    Ne vous tracassez pas pour cela. Vous avez, je crois, besoin de sérénité et je pense que vous ne pourriez pas tomber mieux qu’ici. Il n’y a rien à faire, il faut bien gagner sa vie, n’est-ce pas ?

    Eh oui…

    Revenez vendredi à neuf heures. Je vous présenterai mon remplaçant.

    Ah.

    S’il ne tenait qu’à moi, je continuerais encore quelques années de plus, mais cette maison a toujours été difficile à gérer. Beaucoup de choses ont épuisé mon enthousiasme du début.

    Je comprends.

    Et la semaine prochaine, vous êtes déjà en formation pour trois jours. Avec tout le personnel du Centre et celui des autres centres comme le nôtre. Ce sera une excellente occasion pour faire connaissance avec vos collègues. Prévenez vos proches que vous ne serez pas disponible pendant toute la semaine.

    Ah bon ? C’est un stage résidentiel ?

    Absolument, et il se déroule à Eschelange.

    A Eschelange ? Mais c’est tout dans le fond de…

    C’est une autre région magnifique, vous connaissez ?

    Pas très bien, c’est surtout très loin…

    Vous aurez le programme vendredi.

En sortant, le soleil brillait et le cirage qui m’engluait le cerveau avait un peu fondu. Une partie de moi me disait « tu ne vas tout de même pas t’engager là-dedans, c’est de la blague ! » tandis que l’autre était déjà sûre de son coup. Tout ça ressemblait à un début de grandes vacances et c’était terriblement excitant.

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