Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Caribbean Blog
Caribbean Blog
  • J'veux baiser qu'avec toi, ça s'dit pas... Et un bébé comme toi ça s'prête pas... Ca s'prête pas... De vie en vie... C'est pas l'enfer, mais c'est pas l'paradis... La musique adoucit les moeurs. La poésie aussi. Ecrire ça défoule. Bienvenue ici.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Caribbean Blog
Archives
Derniers commentaires
Albums Photos
27 novembre 2005

Lebarge, ou Monsieur C'est-Moi-Qui

<<   Ma première vie   >>

Les jours qui suivirent me permirent de me familiariser avec cet outil étrange qui permettait de fabriquer un document électronique interactif. J’organisais les pages, je créais des liens, je retouchais des photos que j’incluais, je créais des icônes avec Paint Shop, j’essayais plusieurs types de fonds de page. Dans le fond, tout ça n’était pas si compliqué. Il suffisait de s’y mettre, quoi.

Je me familiarisais aussi avec le petit monde de Robert Philippart. Toute l’école défilait chez lui tout au long de la journée. Tel avait besoin d’une carte de photocopie, tel venait dire un petit bonjour, en passant, tel venait se plaindre de la dernière note de service de Vignery sur la tenue des cahiers de matière, tel avait eu un problème sur son pc et venait demander un petit conseil… Robert récoltait ainsi toute une série d’informations mais ne colportait aucun ragot. Les conversations étaient soigneusement cloisonnées. J’observais tout cela depuis mon poste, avec un petit battement de cœur lorsque j’entendais la voix de Nelly dans le hall, ou les petits pas feutrés de Malou, avec une légère sensation de malaise lorsque les persiflages de Lebarge montaient leurs aigus depuis la salle des profs.

Je l’avais définitivement classé au rang de persona non grata dès le lendemain de notre première entrevue. J’allais tranquillement prendre un café près de Marilyn (nous avions très rapidement sympathisé). Je traverse le hall, et je m’entends interpeller depuis la galerie du premier. Des pas précipités dans l’escalier et une voix de fausset s’adresse à moi.

     Salut, dis. (sourire Pepsodent de circonstance) Alors ainsi c’est toi qui vas t’occuper de notre site Internet. Au départ, c’était moi-même qui devais m’en charger, au fait je suis le professeur d’informatique de l’école. Mais j’ai eu un empêchement la semaine dernière, trois ordinateurs ont lâché ma collègue Viviane, je te la présenterai, et comme elle n’y connaît pas grand-chose d’un point de vue technique, c’est moi qui les ai réparés. Tu sais ce que c’est, on ne peut pas être au four et au moulin. J’ai appris à mon grand étonnement que c’était Philippart, d’ailleurs, qui avait suivi la formation qui m’était réservée… Je me suis plaint auprès de Monsieur Vignery, d’ailleurs, c’est notre coordinateur pédagogique, un très brave type, sais-tu, tu verras. Enfin, la logique de cette école étant ce qu’elle est, on envoie n’importe qui faire n’importe quoi, du moment que ça se fait. Enfin, bref, hier je me demandais qui tu étais, on ne nous avait pas présenté, et voilà que j’apprends que tu viens d’être parachuté ici pour t’occuper de notre site Internet. Oh, j’applaudis des deux mains, sois le bienvenu dans notre école, mais je trouve quand même ça fort qu’on te mette là, à la bibliothèque, alors que nous allons recevoir de tout nouveaux ordinateurs. Il faudra que tu viennes voir comme nous sommes bien équipés, d’ailleurs, tu as le temps cinq minutes ?

     Je regrette, ce sera pour une autre fois, à l’occasion je passerai vous voir dans votre labo, avec plaisir. Mais là je suis demandé chez M. Vignery, justement.

     Ah bon, et bien passe demain dans la matinée, j’ai cours de la première à la quatrième heure.

     D’accord, Monsieur…

     Oh tu sais on peut se tutoyer, moi c’est Michel…

     Très bien, à demain.

J’ai comme l’impression de l’avoir vexé. Son discours m’a donné le tournis. Et ma parole, qu’est-ce que c’est que ces manières de vouloir me présenter tout le monde ? Je cours me réfugier chez Marilyn.

Le lendemain, je décide d’attendre la quatrième heure avant de me rendre dans le labo de Lebarge. Mais à la récréation, il m’attrape dans le hall.

     Eh bien, dis-moi, je t’ai attendu toute la matinée, et tu n’es pas encore venu voir nos labos.

     Désolé, mais la matinée n’est pas terminée. J’avais quelque chose d’urgent à faire ce matin. Je devais remettre un rapport à M. Vignery et il partait à 10 heures. C’est mon dernier jour ici.

     Ton dernier jour ? Mais…

     Je reviendrai dans le courant de l’année, mais je ne sais pas encore quand.

     Mais que vas-tu faire d’ici là ?

     Reprendre mon travail d’attaché pédagogique dans un Lycée.

     Attaché pédagogique ? Je n’ai jamais entendu parler de cette fonction…

     Je m’occupe des élèves désoeuvrés dans une école à discrimination positive.

     Bien, bien, où ça ?

     Au Lycée Julien Dulait.

     Noooooon, chez Edouard Chevalier ???

     Vous connaissez M. Chevalier ?

     Bien sûr, c’est un cousin. Ca alors ! Viens, viens, je vais te montrer mon labo.

Je n’ai qu’une envie, c’est d’abréger cette conversation au plus vite, et je le suis à contresens du flot d’étudiants qui tentaient de rejoindre, qui la photocopieuse de la bibliothèque, qui le distributeur de boissons, qui la séance de distribution de tickets que Marilyn prenait un malin plaisir à organiser en plein milieu du hall.

Lebarge monte les escaliers quatre à quatre. Il s’arrête devant une porte, juste à l’aplomb de celle de la bibliothèque. Il fouille ses poches. Un cliquetis de clés s’en échappe. Il sort un énorme trousseau. Il ouvre nerveusement la porte et entre précipitamment dans le local. Sur les tables, bien alignées, des ordinateurs divers sont posés. Il y a beaucoup de desktops, quelques tours. Le matériel est très hétéroclite  n’a pas l’air des plus récents.

     Tu vois comme nous sommes bien équipés. Nous venons de recevoir un tout nouveau pc, un Pentium. Le voici.

Le seul appareil flambant neuf de la pièce trône sur le bureau du professeur. Il est relié par un enchevêtrement inextricable de fils à un tas d’appareils qui contrastent singulièrement de modernité avec lui.

     Nous avons un écran LCD, un scanneur, une imprimante laser, un lecteur de CD externe, regarde.

Un écran LCD à plat est effectivement posé sur un rétroprojecteur. Un peu plus loin, deux grosses boîtes de plastique gris jaunissant. Je suis incapable de dire laquelle est le scanner et laquelle est l’imprimante. Et si la tour du pc dernier cri est munie d’un lecteur de CD interne, un lecteur externe prend la pose un étage au-dessus. Je hasarde,

     Oui, vous êtes bien équipés…

     Ah, tu vois, tu serais quand même mieux ici pour travailler. Si tu me l’avais dit plus tôt, tu n’aurais pas été perdre ton temps à la bibliothèque.

     Ecoutez, M. Vignery m’a assigné à la bibliothèque, donc je travaille à la bibliothèque.

Je pousse un ouf de soulagement en entendant la sonnette qui annonce la fin de la pause. J’en profite pour prendre congé et je laisse Lebarge à son magnifique labo ultra-moderne.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité