Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Caribbean Blog
Caribbean Blog
  • J'veux baiser qu'avec toi, ça s'dit pas... Et un bébé comme toi ça s'prête pas... Ca s'prête pas... De vie en vie... C'est pas l'enfer, mais c'est pas l'paradis... La musique adoucit les moeurs. La poésie aussi. Ecrire ça défoule. Bienvenue ici.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Caribbean Blog
Archives
Derniers commentaires
Albums Photos
6 décembre 2005

De retour d'Eschelange

<<   Purgatoire   >>

Eschelange est une petite ville vaguement touristique, perdue au beau milieu de la forêt qui recouvre le haut plateau qui constitue le relief du sud de nos contrées. Le climat, déjà continental, y est rude, et la situation de cette bourgade au fin fond d’une vallée très encaissée adoucit à peine les gelées précoces qui sévissent souvent dès la fin de septembre. La région est également honorée d’une particularité climatique : il y pleut abondamment, ce qui fait le bonheur des nappes phréatiques, de la flore  réellement luxuriante, et même celui des mauvaises langues citadines qui se plaisent à dénigrer les pays reculés. Pendant l’hiver, qui y annonce régulièrement la Toussaint, et qui peut durer cinq bon mois les pires années, les accès sont souvent coupés. Eschelange a de tout temps été réputée inexpugnable, et les traces archéologiques de sa fameuse citadelle remonte aux mérovingiens. Malgré tout ce qu’en bon citoyen, je ne pouvais ignorer de l’un de nos fleurons touristiques, je n’y avais jamais mis les pieds. Ma grand-mère s’était toujours refusée, malgré les insistances de mon grand-père, à aller y passer le moindre dimanche après-midi. Ces paysages la rendaient neurasthénique, prétendait-elle, aussi nos excursions étaient-elles exclusivement consacrées à notre littoral, son air iodé, ses glaciers, ses luna-parks, ses goélands maladroits et, il faut le dire, le fin crachin qui le caractérise la plupart du temps.

eschelange

J’étais donc passablement excité à l’idée de découvrir en trois dimensions ce que jusque-là je n’avais admiré que sur des cartes postales, mais, redoutant la bise, j’avais bourré mon sac de voyage de pulls et j’avais enfilé mon parka dès le départ.

C’est la première chose qui fit rire mes nouveaux collègues, en me voyant débarquer de la sorte. Le ciel était radieux, la température était agréable sur la terrasse où nous nous étions donnés rendez-vous, à l’ombre de la Collégiale. Il est vrai que nous étions à peine à la mi-septembre.

Les trois jours qui suivirent furent un vrai électrochoc. J’étais dans un endroit inconnu, entouré d’inconnus, à faire des choses qui, pour moi, n’étaient pas associées à un travail mais à un divertissement. Au programme : activités manuelles, pliage de papier, décoration d’objets divers, animation de veillée, rythmes musicaux, improvisation, danse moderne, jeux de plein air, fabrication de pain. Chaque soir, avant de m’endormir, et chaque matin, au réveil, je me pinçais.

En rentrant chez moi, le léger hématome qui persistait sous mon aisselle gauche me rappela pendant tout le week-end que je n’avais pas rêvé. Mais je ne devais pas oublier que les choses sérieuses allaient commencer.

    C’est pas tout ça, mais lundi, c’est reparti, mon kiki ! » , avait lancé Nicole, notre géographe, en guise d’au revoir.  En ajoutant : « Et je sens que ça va être la foire. Soixante-cinq élèves d’un coup. Vous allez rigoler, en soirée. »

Le lundi, donc, je prends mon poste, assisté de ma collègue Séverine, une jeune fille charmante qui a l’air de me trouver sympa. Ce qui me plaît d’autant plus que je me trouve déjà vieux à côté d’elle. C’est avec elle que je découvre l’ensemble labyrinthique qui constitue le Domaine du Chant-d’Oiseaux. C’est en sa compagnie que s’égrènent les premières heures de mon nouveau métier, c’est elle qui m’apprend toutes les recommandations, qui me présente au personnel. Techniciennes de surface, employés de salle, personnel de cuisine, ouvriers d’entretien, secrétaires…

Ce n’est pas vraiment une sinécure d’encadrer des adolescents en soirée. Ils sont souvent réticents à participer à des activités dirigées et les convaincre demande une quantité d’énergie non négligeable, que peu de personnes ont l’habitude de fournir à cette heure de la journée. Si le couvre-feu est fixé à 22 h 30 pour les plus grands, notre fonction de surveillance des couloirs se prolonge souvent jusqu’aux alentours de minuit. Mais l’avantage, c’est qu’une fois endormis, nous pouvons aller roupiller dans notre chambre jusque sept heures du matin.

La matinée se passe rapidement : lever, petit-déjeuner, inspection des chambres, et à neuf heures notre service est terminé.

Nous reprenons à 16 heures et la journée est vite passée, mais tout de même. Ce décalage me fait un bien fou. Dorénavant je vais pouvoir disposer de TOUTES mes journées. Et je viens d’être intégré dans une petite équipe soudée, des gens sympathiques qui sont en train de devenir des amis. Je n’en crois toujours pas mes yeux.

Au bout de ma première semaine, ma décision est prise. Je reste. Ce n’était pas évident, jusque-là. Mais mercredi j’ai rendez-vous avec Chevalier. Il ne sait pas encore que je suis engagé ici. Il pense que je vais reconduire mon contrat chez lui. Mercredi il saura qu’il pourra se trouver une autre pomme pour essuyer ses plâtres, à lui et à son cher cousin.

Après les trois jours à Eschelange, je n’étais plus le même. J’avais la sensation que j’étais redevenu un ado de quinze ans.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité