Le sacre du printemps
Bon ben je sais plus comment ça s’est fait, mais j’ai obtenu l’absolution pour aller voir le ballet de Béjart. De toute façon la place était payée. Donc, le vendredi 18 heures tapantes, j’embarque avec Alex et Perrine dans le car.
Madame Delchambre, la prof de français qui organisait le truc, nous débarque devant le célèbre théâtre qui fut le témoin des heures épiques de notre histoire nationale. Ne reculant devant aucun sacrifice, ce n’est pas moins que du haut du troisième balcon que nous prenons place pour contempler le spectacle. Le splendide lustre en cristal qui orne le plafond s’offre tout entier à notre vue éberluée. A sa gauche et à sa droite, nous avons tout loisir d’admirer les sorties cour et jardin de la scène.
Dès les premières mesures, il est patent que depuis notre pigeonnier, nous pouvons embrasser au mieux cinq pourcent de la mise en scène.
Mme Delchambre est assise juste devant moi, Alex et Perrine quelques places plus à gauche. Ma voisine Bérangère ne pouvant décemment pas suppléer à la proximité de mes acolytes habituelles.
A peine un quart d’heure après l’ouverture, le feu de l’action se déroule à quelques mètres de moi. Les spectateurs assidus, installés au rang juste en-dessous, ont l’air d’être pris de hoquets qui les déplacent régulièrement d’un cran vers la gauche. Après quelques soubresauts, le grincement d’une porte se fait entendre et un rai de lumière inonde l’assistance. Des têtes se tournent vers l’arrière, certaines d’entre elles, garnies de lunettes, reflètent violemment la lumière glauque qui jaillit du couloir. Un autre grincement ramène la pénombre et tout rentre dans l’ordre.
Seize secondes s’écoulent avant que la scène se répète à nouveau. Et je revois encore la tête de Béran lorsque nos oreilles consternées entendent la voix assourdie de Mme Delchambre glisser dans l’oreille de sa collègue « J’ai l’impression qu’il y en a qui essaient de se tirer ». Plus aucun argument ne peut contredire cette affirmation lorsque, pour la troisième fois, le grincement de porte suivi du rayon reflété par les paires de binocles se font de nouveau percevoir. Alex, Perrine et Birgit viennent bel et bien de quitter le balcon et ne tarderont pas à rejoindre quelque bar à claques de la capitale.
L’escapade de ces trois grâces passe au bleu, car elles ont le bon goût d’attendre la sortie du spectacle au bon endroit, au bon moment. Il faut préciser qu’une tempête s’est levée ce soir-là, qui apporte une diversion salutaire à l’équipée. Eprouvant les pires difficultés à rassembler les élèves sur le parvis de l’opéra, Mme Delchambre et sa brave collègue en oublient le trouble causé par les diversions involontaires qui ont émaillé la représentation.
Nous rejoignons le car tant bien que mal, et je me retrouve sur la banquette arrière, entouré des trois encanaillées qui puent la vodka citron.
J’ai remarqué, depuis l’histoire des zizis (voir plus haut), que Perrine est intriguée par mon anatomie. Je peux dès lors en être sûr, sa main se baladant le long de ma chemise jusqu’autour de ma ceinture et un peu plus bas. Sa langue me léchant le bout du nez et les lèvres. Par la vitre, les feux rouges des voitures bloquées sur le périphérique. La sortie sud est barrée, un arbre s’est abattu sur la chaussée. Le regard goguenard de Birgit. Ses bras autour de ma poitrine. Les mains d’Alex sur les tétons de Perrine. Leurs haleines alcoolisées dans ma bouche. Plus tard, dans mon lit, l’odeur de la chatte de Perrine sur mes doigts. Serais-je donc baisable ?