Voyageur malgré lui : une vocation?

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Irène Czerniakow, la prof d’histoire à Julien-Dulait, n’est pas du genre à concéder quoi que ce soit. Elle organise chaque année le voyage culturel pour les cinquièmes et sixièmes, et on a intérêt à suivre. Cette année, elle a choisi comme destination, le Futuroscope de Poitiers. Et tant qu’à faire, une escale au bord de la Loire est prévue afin de sensibiliser ses ouailles à l’architecture de la Renaissance. Le hic, c’est qu’aucun prof de ce foutu Lycée technique n’est disposé à l’accompagner.

Je n’ai aucune sollicitude pour cette mégère bedonnante, mais ça me fait de la peine pour les élèves. Sans volontaire, le voyage est purement et simplement annulé. C’est la raison pour laquelle je propose mes services à M. Chevalier. Qui me fait part, comme de coutume, de sa reconnaissance envers mon grand dévouement, et accepte, non sans condescendance, de m’octroyer quatre jours de congé (mais que feront les élèves de M. Monnoyer en mon absence ?) et accepte que j’encadre les gosses de la mère Irène.

—    T’es dingue !!! » qu’elle m’a dit Claudette quand, tout fier, je lui annonçai la nouvelle. « Czerniakow, c’est une vraie éponge ! Demande à Martine Tonnelier ! C’est elle qui s’y est collée l’an dernier. Elle s’est tapé toutes les responsabilités l’an dernier, l’autre elle était bourrée morte pendant tout le séjour. »

Bon je vois Mme Tonnelier de vue, comme ça, c’est une prof d’arts plastiques très distinguo, c’est sûr. Mais tant pis, ce qui est dit est dit.

Je ne suis quand même pas trop fier en embarquant dans le car. Trop tard, le Rubicon est franchi.

La première étape est à Paris. Nous assistons à l’enregistrement d’une émission télé. La vedette est Dany Brillant ^^ Bon moi j’encadre, hein. Eh bien vous savez quoi ? Ce type sur scène est génial. Je suis sidéré de voir les gamins et gamines de quinze seize ans se trémousser sur ses rythmes un peu rétro, il faut bien le dire.

Le lendemain nous visitons le château royal de Blois. Ils sont éberlués par la bibliothèque de Catherine de Médicis et ses tiroirs secrets. Par la mise en scène de l’assassinat du duc de Guise. L’après-midi, un spectacle de fauconnerie à Montrichard en émeut certains jusqu’aux larmes. Le soir, tout le monde s’extasie dans le parc d’Azay-le-Rideau. Le spectacle sons et lumière vaut vraiment le détour.

Au Futuroscope, les gosses ne se sentent plus. Ils découvrent des projections en trois dimensions, d’autres à trois cent soixante degrés, le cinéma dynamique, le tapis volant et sa double projection, l’une sur écran géant, droit devant, l’autre à vingt-cinq mètres sous leurs pieds, à travers les carreaux de plexiglas qui constituent le sol.

C’est fou comme ces gosses, si réfractaires au système scolaire en général, se comportent différemment dès qu’on les sort de leur contexte. Je suis épaté. Irène n’est décidément pas la femme revêche dont elle a l’air, après tout. Et la Tonnelier, sous ses airs de ne pas y toucher, hein. Je la retiens.

Décidément, ce Lycée technique de seconde zone, si on s’en tient à sa réputation, je commence à éprouver une certaine fierté à y prester une partie de mes fonctions.